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Considérations de Monsieur le Marquis
11 juin 2005

La Samar' : mort annoncée d'une institution

anniversiare_jc_003Comme tout le monde a pu le lire dans la presse, une grande dame se meurt... une de plus. Il y avait longtemps que l'on avait pas assisté à une telle disparition dans le paysage parisien. La dernière, c'était le doyen des grands magasins parisiens, Aux Trois Quartiers, sur le boulevard de la Madeleine. Je m'en souviens, c'était lors de mon premier passage dans la capitale, devais avoir six ou sept ans.

Là, c'est un autre moribond que l'on va mettre sous perfusion. Il s'agit de la Samaritaine. Leurs fondateurs sont célèbres, non tant par leur action que par simplement leur nom : Cognacq-Jay. La télévision a cité leur nom à tout bout de champ pendant des lustres, leurs studios parisiens étant à cette adresse. Mais c'était aussi une fondation para-familiale, qui, il y a encore fort peu de temps, était propriétaire des magasins.

Ces messieurs de LVMH, monstre français du luxe, ont sauté sur l'occasion d'une non conformité des bâtiments pour précipiter la fermeture. Il est à craindre derrière ce leurre une tout autre politique, plus perverse, plus calculée. La même qui a tué les autres grands magasins, victimes de leur atout majeur : leur emplacement de premier ordre.

Ainsi depuis de début des années 50, les grands noms du XIXème siècle se sont éteints. D'abord La Belle Jardinière, anniversiare_jc_001victime en premier lieu de la "révolution" soixante-huitarde et de la disparition des uniformes scolaires. Il y a eu aussi les Grands Magasins Réaumur, Les Magasins Réunis qui avaient plusieurs sites dans tout Paris, Le Louvre, bien sûr, à la fin des années 70. Puis ce fut donc le tour des Trois Quartiers. Suivis de près par Félix Potin (qui avait l'envergure d'un grand magasin malgré sa spécificité). Aujourd'hui, c'est la Samaritaine, demain probablement le Bazar de l'Hôtel de Ville.

L'ensemble des "survivants" appartiennent aujourd'hui à des holdings. Familiale pour les Galeries Lafayette, qui tirent leur épingle du jeu du consumérisme français des japonnais. Le Printemps s'en sort tant bien que mal, dans l'escarcelle de monsieur Pinault, entrainé par la FNAC et les catalogues de La Redoute. Et il y a donc LVMH, qui était déjà propriétaire du Bon Marché, sur la rive gauche, et qui, il y a peu, a conclus un accord avec la fondation Cognacq-Jay de reprise des magasins de la Samaritaine.

anniversiare_jc_007C'est vrai que le magasin souffrait d'une certaine vétusté, celle-là même qui faisait tout son charme. C'était le plus grand des grands magasins, quatre bâtiments face au pont neuf, une vue imprenable sur la Seine. C'était le seul magasin qui n'avait quasiment pas bougé, "relooké" pour attirer une clientèle toujours plus haut de gamme... qui boude les grands magasins depuis longtemps, depuis toujours.

Dans cette ignorance, on a voulu faire du premier des "magasins populaires" une nouvelle enseigne du luxe. Une amputation fut faite de deux de ses bâtiments, concentrant les marchandises dans le premier des magasins. Il avait une architecture osée à l'époque, entièrement en poutrelles peintes, des guirlandes de liserons et de lierre grimpant comme motifs, de la céramique, des bois vernis, des glaces, et deux tours sur la place des écoles. Trop petit, la place fut mangée par le grand magasin qui avança jusqu'au pont. Les tours disparurent, le pittoresque céda à une certaine opulence de la façade des années 30, de marbre clair.

Mais la clientèle restait populaire. Tout le monde n'allait pas à la "Samar'". Car le grand magasin avait trouvé ses marques, en fonction de son emplacement, et du type de clientèle qu'il attirait. Autant le Bon Marché ou le Louvre anniversiare_jc_009touchaient la bourgeoisie, autant la Samar' était pour les employés. Il est à craindre que cela n'ai pas été compris de ses nouveaux propriétaires.

La Samar' a perdu son âme en étant détachée de la fondation. Elle fut relookée, chassa ses derniers clients fidèles a des marques internes au profit des oripeaux hors de prix. Et elle n'attira pas le client, déjà habitué à d'autres enseignes pullulant dans la rue de Rivoli.

Il est à craindre aussi que ce fut calcul de leur part : on tue le moribond, on se débarasse des personnels encombrants (parfois 35, 40ans de maison! Il n'y a guère que dans ce genre d'institution que des choses se voient ainsi!) et on fait une très juteuse opération immobilière. Il est en effet à craindre que LVMH a vu avant tout le profit à tirer d'un tel emplacement. Les secondaires ont déjà été mis en location pour d'autres grandes marques. Le plus ancien des bâtiments leur restait seul, avec une annexe sur la rue de Rivoli.

Des projets fusent : Un hôtel? Non. Pourquoi pas un supermarché de luxe, à l'exemple du Bon Marché? Ça permettrait l'implantation sur la rive droite... Et puis plus simplement, la galerie commerciale, alignement de marques de luxe... Ou des bureaux, comme dans les étages du Bon Marché.

Une chose est sûre : on vit les derniers moments de cette institution qui eut mieux mérité son nom que son concurrent et allié de la rive gauche. Personnellement, ça me fend le coeur : Requiem in pace, Samaritaine!

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